Le journaliste Nila Mbungu: « Pourquoi tant de haine dans la presse congolaise!»

France, témoignage dans le microcosme de la presse congolaise. Suivons cette histoire de violations des droits des journalistes congolais avec une complicité des quelques journalistes, leurs compatriotes.

“Ya liboso**” (Primo). Pourquoi, une grande figure de l’intelligentsia de la République Démocratique du Congo qui vit en Europe a dit “l’éternel Nila Mbungu”?
“Ya mibale**” (secundo). En France où il réside, le journaliste historique et célèbre congolais Nila Mbungu, membre de la rédaction du MAGAZINE NGAMBO NA NGAMBO avec une carte de presse officielle, témoigne par écrit pour la 1ère fois en Europe. Quand il était dans la presse à Kinshasa, il a été parmi les 11 journalistes « révoqués » avec une violence incroyable, très humiliés et trahis à la suite d’une situation sociale (pétition, grève, augmentation de salaires) transformée en une Affaire d’Etat avec cette politique politicienne où un patron de presse a téléphoné devant des journalistes au président Mobutu Sese Seko qu’il avait appelé “papa” pour montrer sa “puissance” à ces journalistes.

C’est la raison pour laquelle cette figure intellectuelle l’avait interpellé en disant “l’éternel Nila Mbungu” pour le soutenir; car sa carrière de journaliste a failli être brisée à jamais. « Oyo ezali mbala ya liboso, mopanzi nsango Nila Mbungu akoma lisolo yango banda makambo mayaki ndongo na ba mbula wana »*.

 

Campus universitaire de Kinshasa: Lilo Miango, recteur Vunduawe Te Pemako, Nila Mbungu et le karatéka Me Moka (étudiant).

Campus universitaire de Kinshasa: Lilo Miango, recteur Vunduawe Te Pemako, Nila Mbungu et le karatéka Me Moka (étudiant).

« Pourquoi tant de haine dans la presse congolaise! »

Je viens de lire un bel article consacré à Polydor Muboyayi Mubenga, l’Editeur –Directeur général du Journal Le Phare de Kinshasa. « Pour son parcours exemplaire, historique et courageux », l’Ambassadeur de France, Luc Hallade, l’a décoré de la médaille de l’Ordre National du Mérite Français ! Polydor Muboyayi Mubenga est un héros. « Combattant insatiable de la liberté d’expression », il a rendu d’imminents services à la Presse que vous ne pouvez imaginer. Je ne peux oublier ce que cet homme a fait pour moi.

Voici l’histoire : En juillet 1981, je suis cruellement licencié du journal Elima. Lettre reçue un jeudi vers 11h. Soutenu par mon chef direct en qui j’avais placé une confiance aveugle, j’introduis un Recours le vendredi. Le lendemain, ESSOLOMWA Nkoy ea Linganga confirmait ma révocation. La lettre disait : « Suite au rapport nous adressé par votre chef direct NNN, nous sommes au regret de suspendre notre collaboration avec vous… Nous ne pouvons pas accepter que vous désertiez la Rédaction pour aller vous promener avec les musiciens à travers la ville. Veuillez passer à la Caisse pour retirer votre Décompte final… »

Avouez que c’est un drôle de motif pour révoquer un chef de rubriques qui produit sept à huit pages hebdomadaires dans le journal ! Citons : 1/Elles parlent de leurs maris ; les vedettes. 2/Ces Filles qu’on chante. 3/Pointez l’Idole. 4/La chanson de la semaine. 5/Poster. 6/Les Potins de Nila Mbungu (Musique et Faits divers). 7/Dans le Temple de Shaolin(Arts martiaux). 8/Surprise (Nouveaux talents de divers métiers).

 

Avec le chanteur Lokwa Kanza

Avec le chanteur Lokwa Kanza

 

Avant l’arrivée de journalistes Lilo Miango, Eale Ikabe, Sakombi B’Akonzo (une journaliste diplômée de la faculté universitaire de l’Isti) et M’Biya Tshikala à l’édition spéciale hebdomadaire “Elima-Dimanche”, j’ai bossé comme un dingue pour réaliser seul ces rubriques. Je sortais chaque matin sans savoir à quelle heure je regagnerai ma maison. Ma journée commençait dans les restaurants à la Gombe pour rencontrer mes informateurs. Le soir, je devais quoiqu’il arrive honorer des rendez-vous à l’hôtel l’Inter, au Memling (hôtel) ou au club Vatican (dancing bar célèbre fréquenté par des artistes et personnalités diverses).

Ce sacrifice s’imposait pour assurer les bons résultats. L’arrogance de cette vision me met aujourd’hui mal à l’aise. Passion aveugle pour un travail mal rémunéré ! Sans portable, sans internet, sans WhatsApp j’étais contraint de quadriller la ville en taxi…J’étais un solitaire, un aigle royal. L’enthousiasme était mon meilleur compagnon.

J’avais toujours soif des scoops. Des défis à réaliser pour chaque édition. Très satisfait par notre travail, Essolomwa se montrait très courtois avec l’équipe d’Elima-Dimanche.

Il passait toujours dans notre bureau pour jeter un coup d’œil sur les maquettes. On le connaissait très avare des compliments, mais lorsqu’on était seuls, il se révélait chaleureux. Une bonne compensation morale pour le travail abattu. Et j’en avais besoin pour évoluer. En ces temps, c’est Mobutu en personne qui signait le « bon à tirer » des quotidiens zaïrois. «Ces filles qu’on chante» et les «Faits divers» étaient ses rubriques préférées.

Je n’oublierai pas les paroles prophétiques du très célèbre journaliste Nzita Mabiala quand il me raccompagna jusqu’au Boulevard Lumumba. « Sois fort. Tous ceux qui ont été persécutés dans ce Journal ont été finalement bénis par Dieu. La réussite est devenue leur compagnon de route! ». Depuis ce samedi là, je n’ai plus remis mes pieds à la Rédaction de ce journal où je comptais quand même beaucoup d’amis. Ma mémoire a surtout effacé cette date maléfique où l’on a attenté à ma vie.

Un journaliste renvoyé d’Elima ou Salongo était banni à jamais de la Corporation. Les deux patrons respectaient rigoureusement cette règle.

 

Nila avec l'honorable Vicky Babandisha

Nila avec l’honorable Vicky Babandisha

Bondo Nsama* te veut !

Monsieur Polydor Muboyayi Mubanga est parvenu à briser cet omerta pour me ressusciter. Comment a-t-il fait pour me recruter ?

Au lieu de rentrer directement chez moi, j’ai décidé de faire un crochet à la Rédaction de Salongo, sur la 10 eme Rue Limete. Pour “fêter” ma révocation avec mon ami Malanda Nsukula. Une bonne cuite m’aiderait à oublier ces événements. La perte de mon emploi et la trahison de l’homme que je considérai comme mon Coach. Comble de malchance, Mick était absent. Je m’apprêtais à repartir quand une secrétaire m’informa que le Directeur Muboyayi (qui m’avait aperçu dans le couloir) voulait me parler.

La nouvelle de ma révocation avait bien entendu fait le tour des Rédactions. D’emblée il me dit :

« Nous savons que tu as été victime d’une cabale. J’ai parlé avec le Patron Bondo Nsama. Salongo te veut. On ne peut pas laisser ces gens détruire un talent comme toi. Si tu es d’accord, tu commences dès la semaine prochaine dans l’Equipe de Salongo Selection(SS) ».

Nila Mbungu et Sabine Lukusa

Nila Mbungu et Sabine Lukusa

J’étais sceptique, mais Muboyayi me dit comment faire pour redémarrer ma carrière. Sur le champ, il m’aida à faire un Recours à l’UPZa (Union de la Presse du Zaïre) avec copie à la Présidence de la République ! Et c’est lui-même qui se chargea de l’expédition de la lettre par le canal de son réseau.

La Sécurité présidentielle fit une enquête pour savoir si j’étais réellement impliqué dans la grève qui avait secoué la Rédaction d’Elima en Juillet 1981 !

L’enquête permit d’établir que je me trouvais officiellement en tournée à Kisangani avec Papa Wemba et l’orchestre Viva la Musica au moment des faits. Qui a signé à ma place la fameuse pétition qui mettait en cause la gestion d’Essolomwa ? Quoique mon innocence fût reconnue, Essolomwa refusa de me reprendre. Puisque je n’avais commis aucune faute professionnelle.

Salongo m’accueillit en septembre 1981. Quelques semaines après, j’obtins les galons de Secrétaire de Rédaction chargé de Salongo Sélection en remplacement de Père Ngoie recruté par le Journal Libération de Paris.

Pendant 17 ans, Bondo Nsama m’a fait confiance, protégé et orienté. C’est lui qui m’a appris le journalisme d’investigation et conseillé de m’investir également dans la rubrique sportive ! Et le sport m’a élevé. Alléluia !

 

Nila et le chanteur-star Tabu Ley Rochereau

Nila et le chanteur-star Tabu Ley Rochereau

Durant mes dix sept ans passés à Salongo, il m’est arrivé des choses que je n’aurai jamais imaginées. A peine engagé, j’ai accompagné Tabu Ley Rochereau et M’bilia Bel au Kenya où j’ai rencontré le mythique chanteur jamaïcain Jimmy Cliff ; en Angola où je failli perdre la vie et au Congo Brazza. Souvenirs impérissables. J’ai ensuite enchainé les tournées en Afrique avec M’Pongo Love (Côte d’Ivoire), Mopero Wa Maloba (Gabon), Victoria Eleison, Grand Zaiko, Langa-Langa Stars (Congo), Viva la Musica (dans toutes les provinces du Zaïre) et tant d’autres orchestres.

En sport, j’ai couvert deux phases finales de CAN (Dakar et Tunis), les 5èmes Jeux africains du Caire, les Jeux Olympiques de Barcelone et autres matches de qualification des Léopards football, Vclub, Lupopo…

J’ai collectionné les titres et les honneurs. Plusieurs fois conseiller au Ministère de la Jeunesse et des Sports, Meilleur Chroniqueur de musique en 1986, co-fondateur et Vice-président de l’Association des Chroniqueurs de musique du Zaïre (ACMZa), Secrétaire général adjoint de la Francophonie Sous région de l’Afrique Centrale.

Quand Salongo fut détruit par des éléments incontrôlés de l’Afdl (guerre internationale d’agression contre le Zaïre de Mobutu), je rejoins en février 1998 mon ami Modeste Mutinga qui me confia allègrement la direction de l’Hebdo Compatriote Détente. J’ai fini ma carrière au Congo dans “Visa 2000” avec rang de Directeur de Rédaction.

Prolongation fructueuse à Paris avec «Ébène Magazine» de Paul Bazakana, « Magazine Ngambo na Ngambo » de Lilo Miango, «ArtistesPress» de Yannick Nila et «Mosakoli News».

Avec l'homme politique français Manuel Vals

Avec l’homme politique français Manuel Vals

Merci Polydor Muboyayi Mubanga. Merci Bondo Nsama. Merci Père Ngoie a Tshiluila ! Que Dieu vous bénisse !

Nila Mbungu/Rédaction de France/MAGAZINE NGAMBO NA NGAMBO.

Bondo Nsama*:patron du quotidien national Salongo.

**En langue internationale Lingala

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