Journaliste Kongo Robert et «La diaspora face à la faillite de l’élite congolaise».
«Ebele ya bitemi ya batu wana bamibengani…Intellectuels/Elite congolaise…, bango nde babomi mpe bateki mboka» (en Lingala: «Beaucoup de ces catégories concernées qui se nomment… Intellectuels/Elite congolaise…, ce sont elles évidemment qui ont détruit et vendu le pays»). Au niveau de la population congolaise en Europe, la base très largement majoritaire n’a plus confiance en cette élite.
Et ainsi, le journaliste congolais Robert Kongo a écrit cet article que nous reproduisons. C’est dans le cadre de la campagne de visibilité pour des journalistes et médias congolais en Europe que nous avions lancée depuis le 7 février 1981.
L’identité d’être journaliste de la RDC mérite du respect. Et le statut d’être un journaliste congolais en Europe mérite un intérêt soutenu vu le modèle de ces sociétés européennes technologiquement avancées et développées où l’on réside. La liberté inégalée que disposent ici ces journalistes de traiter, présenter l’actualité et l’information et de faire vivre cela dans des consciences des gens de la diaspora et dans leur quotidien ; fait qu’il faut effacer un discours éparpillé selon lequel « la faillite chaotique du Congo est la faute de toute Congolaise et de tout Congolais ». Il ne faut plus tenir ce discours auprès des divers milieux occidentaux déjà habités par des préjugés.
C’est ainsi que des journalistes de notre réseau ont positionné cette campagne de visibilité par rapport à cet article de notre confrère Robert Kongo, membre de deux autres médias (Rédaction en chef du Magazine Ngambo Na Ngambo).
La diaspora face à la faillite de l’élite congolaise.
C’est un drame national! L’élite congolaise s’éloigne de plus en plus des préoccupations de la population et irrigue de son discours parfois abscons, parfois panégyrique et cousu de contre-vérités, le débat politique. La diaspora observe ce petit monde et y détecte ses travers abjects.
« Elite congolaise, à quoi sert-elle ? ». Cette question revient toujours dans les débats engagés dans la diaspora congolaise au sujet de la situation politique, économique et sociale de la RDC, qui est en fait déplorable et rend difficile son émergence.
La diaspora n’a eu de cesse de le dire: « L’élite congolaise, déjà amoindrie par les électrochocs de l’histoire, a subi la lobotomisation ultime. Plus de pouls, plus d’influx nerveux, on peut rabattre le drap sur le visage de cette caste déjà en décomposition et organiser les funérailles ».Il suffit d’écouter leurs échanges à la radio, de regarder leurs débats à la télévision, l’on se rendra, vite, compte de la tragédie qui touche l’élite de la RDC : elle est dépourvue de sens moral et éthique et incapable de jouer son rôle face à la perte des valeurs et des principes, face à la violation de la loi, même lorsque cela porte atteinte aux symboles de la nation et aux institutions de la République.
UNE ÉLITE IMPUISSANTE FACE A L’AMPLEUR DE LA CRISE. Les Congolais sont aujourd’hui embarqués dans une crise qui ne cesse de prendre de l’ampleur au vu et au su de l’élite en panne de réflexion, incapable de dire la vérité au pouvoir, s’opposer aux injustices institutionnalisées, combattre les idées reçues et les préjugés.
La crise que traverse la RDC risque d’avoir des répercussions destructrices pour l’Etat et pour les jeunes générations qui ne connaissent que haine, animosité, règlement de comptes et conflits de valeurs entre ceux qui veulent rester au pouvoir et ceux qui veulent l’acquérir.
Face au manque de sagesse et de volonté politique, le conflit a atteint une telle tension qu’il risque de désagréger les institutions de la République.
Par conséquent, l’Etat se retrouve faible, ou affaibli intentionnellement , par une classe politique faible, elle aussi, à tous les niveaux, et qui semble n’avoir aucune culture de l’Etat. Une classe politique incapable de mesurer le poids de la responsabilité qui lui est confiée et ne réalise à quel point elle porte préjudice au pays.
Comme disent les Congolais de la diaspora déboussolés: « La RDC vit une situation tragique où les concepts se sont renversés, les valeurs perdues et où la servilité et l’obédience sont érigées en politique d’Etat ».
Tout le monde s’accorde à dire que l’extrémisme engendre l’extrémisme. C’est ainsi que les pratiques radicales de l’Etat, des intimidations, des menaces et des arrestations ont conduit à la radicalisation du mécontentement dans l’opposition et parmi le peuple.
Faut-il rappeler que cette crise politique n’est que la conséquence de l’élection présidentielle controversée de 2011 ? Cinq ans après, rien n’a été mis en œuvre pour que les élections soient organisées normalement. La tension est à son comble entre l’opposition et la majorité.
Et encore une fois, la RDC restera otage de toutes sortes de manœuvres politiciennes aux relents de calculs étroits et de basses tactiques.
Ce n’est pas faire injure à l’élite congolaise que de dire qu’elle ne joue pas son rôle face au pouvoir et à l’opposition, ni vis-à-vis du peuple et de la nation; qu’elle n’est pas à mesure de s’acquitter de ses tâches car elle est prise dans l’engrenage de l’opportunisme… Elle doit le savoir parce qu’elle a échoué.
Les Congolais n’ont point besoin d’une élite amorphe et dont la cupidité se dispute à la fourberie. Ils ont besoin d’une élite à même de leur apporter des solutions pour se tirer du bourbier dans lequel ils se trouvent actuellement.
L’ÉLITE CONGOLAISE DOIT SE REMETTRE EN CAUSE. Le rôle d’un intellectuel, s’il faut parler de cette élite, n’est pas de produire des louanges par la soumission contreproductive pour le pouvoir en contrepartie d’une distribution de la rente, mais d’émettre des idées constructives, selon sa propre vision du monde, par un discours de vérité pour faire avancer la société.
« La morale et les principes d’un intellectuel ne doivent en aucune façon devenir une sorte de boîte de vitesses hermétiquement close, conduisant la pensée et l’action dans une seule direction. L’intellectuel doit voir du passage et disposer de l’espace nécessaire pour tenir tête à l’autorité, car l’aveugle servilité à l’égard du pouvoir reste dans notre monde la pire des menaces pour une vie intellectuelle active, et morale », écrit Edward W. Saïd, universitaire américano-palestinien, dans un de ses ouvrages majeurs: « Des intellectuels et du pouvoir » (Editions du Seuil).
C’est « La trahison des Clercs » (Editions Grasset), comme l’écrit à son tour le philosophe et écrivain français, Julien Benda, qui voyait dans les parcours des intellectuels une propension à trahir leurs idéaux pour les positions sociales auprès des princes du moment.
En effet, il est sidérant de constater à quel point les intellectuels congolais manquent à leurs obligations ! L’éthique intellectuelle est bafouée, piétinée, plaquée depuis belle lurette. Ils sont impliqués dans des polémiques primitives et des conflits insignifiants, s’abaissant plus bas que des béotiens.
C’est ainsi qu’ils ont mis fin à tout modèle positif pouvant servir d’exemple pour les différentes franges de la société. Ils ont tout détruit et permis aux opportunistes, aux détenteurs de l’argent et du pouvoir d’occuper le terrain.
Pour la diaspora, l’élite (intellectuelle et politique) de la RDC, qui ignore – avec délectation – la cause des Congolais, a besoin d’un nouveau souffle. Elle doit se remettre en cause. Son niveau est médiocre et ne répond à aucune norme d’excellence.
Robert Kongo, correspondant en France
Copyright Le Potentiel/Blogger dans Kongo Espoir 21.
Photos: archives Robert Kongo.
Mots-clefs : Journaliste Kongo Robert