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Anicet Mobe publia déjà: «Joseph Kabila et les libéraux belges: un naufrage politique»

Anicet Mobe publia déjà: «Joseph Kabila et les libéraux belges: un naufrage politique»

Europe-Diaspora africaine et une visibilité médiatique d’Anicet Mobe et de RTBF à propos des «convulsions» de certains Belges (politiques, hommes d’affaires) avec le système Joseph «Kabila». Le Congolais Anicet Mobe, chercheur en sciences sociales et homme des médias (membre de la rédaction-France du MAGAZINE NGAMBO NA NGAMBO) avait déjà  écrit cet article évocateur intitulé «Joseph Kabila et les libéraux belges : un naufrage politique» qui a été l’objet d’une publication dans le média français L’Express (Rubrique “Express Yourself”), le 20juillet 2015. Son article demeure un impératif des actualités médiatisées.
Et voilà que la télévision d’État belge RTBF (Chaîne francophone) vient de diffusée le mercredi 6 janvier 2016 dans son émission «Devoir d’enquête», un reportage d’investigation en Belgique, au Congo et en Allemagne relative à ces scandales d’argent, de système d’obscurantisme, de confiscation de libertés et mépris des gens du peuple. Dans ce reportage bien documenté, une fameuse «Princesse du Maniema» (Région de l’Est du Congo sous occupation) est un indicateur du système Joseph «Kabila».

 

Anicet MOBE (Archives Anicet Mobe)

Anicet MOBE (Archives Anicet Mobe)

Parmi les intervenants de ce «Devoir d’enquête», tous les Justes de la diaspora congolaise ont salué la pertinence des interventions du journaliste congolais Baudouin Amba Wetshi (rédacteur en chef du site média «Congoindependant»), résidant à Bruxelles et ayant grandi à Kinshasa dans le même quartier de Kinshasa que notre rédacteur en chef Lilo Miango. Cette anecdote est une des illustrations d’une émergence en Europe du journalisme congolais de qualité qui tire son origine dès les années 60 des indépendances africaines.
Notre média focalise l’article d’Anicet Mobe et notre interprétation d’une dimension de ce numéro de l’émission télévisée «Devoir d’enquête» ; dans une certaine tradition de certains milieux belges qui ont toujours entretenu une sorte de «siège d’un terrorisme international contre la volonté d’indépendance du peuple du Congo de nos ancêtres». «Mbuta oyo. Makambo makomi koya ndongo. Putulu emata, makala matikala»[1]. NKUMU/Rédaction centrale-Europe (Suisse).

 

L’article d’Anicet Mobe.

La sordide affaire “Kubla” semble suggérer que 55 ans après l’indépendance, la politique de prédation des ressources économiques du Congo perdure au profit d’une minorité d’étrangers avec la complicité des élites locales.


Le Congo offre le spectacle unique -au début du 20°siècle- d’un pays d’outre-mer pauvre dont une partie des ressources va être mise à la disposition d’un pays riche européen… Tel est le constat que dresse du Congo de 1908, l’éminent professeur Stengers. La sordide affaire « Kubla » semble suggérer que 55 ans après l’indépendance, la politique de prédation des ressources économiques du Congo perdure au profit d’une minorité d’étrangers avec la complicité des élites locales.


La presse belge (La Libre Belgique : 11, 16 mars ; Le Soir :26 février, 17mars ;Le Vif l’Express 13-19mars) s’est largement fait l’écho d’une ténébreuse affaire de collision entre certains milieux d’affaires et des politiques belges et congolais sur fond de concussion, corruption et forfaiture. Un naufrage politique ! relève un quotidien bruxellois. Cet éditorial répond en écho à «la descente aux enfers de la politique belge en Afrique centrale» (J. Claude Willame, Revue nouvelle, décembre 2004). Belgique – Congo : nouveau pari hasardeux? Tel est le titre d’une tribune que j’ai signée le 29 mars 2007 (Llb) au moment où les Libéraux se mobilisaient pour fabriquer, légitimer et faire triompher une candidature présidentielle devant garantir et préserver les intérêts économiques, commerciaux et industriels des groupes proches d’eux.


Drapeau du Royaume de Belgique.

Drapeau du Royaume de Belgique.

Depuis 1999, sous la houlette de Louis Michel, les Libéraux francophones s’emploient à imprimer leurs marques – souvent sur fond des rivalités au sein de leur parti – dans un ministère quasi exclusivement attribué aux socialistes et aux socio- chrétiens depuis la Libération. Diplomatie éthique… Tel est le slogan forgé pour vendre aux opinions publiques belges, européennes et africaines ce qui est présenté comme un renouveau de la politique belge au Congo ! Le parti libéral (MR) édite une brochure – Debout Congolais ! Tout cela vous rendra le Congo ; Centre J.Gol, mai 2007 – qui amplifie cette propagande magnifiant ce qu’il considère comme des initiatives bénéfiques pour les Congolais depuis la colonisation. En réalité, cette éblouissante vitrine masque aussi des pratiques glauques que met en lumière l’Affaire Kubla.


Aussi, les hauts cris que poussent certains Libéraux, ainsi que le silence assourdissant qu’observent d’autres partis – craignant des effets dévastateurs – ne doivent pas faire illusion. Datant de l’époque coloniale, les collisions entre les grands groupes financiers et le pouvoir politique ont rabougri toute politique de développement économique et ont engendré un contrôle du champ politique après 1960 pour régenter l’émergence d’une classe dirigeante docile. Par ailleurs, les Libéraux sont partie prenante de la politique coloniale et des ingérences belges au Congo depuis 1960. Le 20 août 1908 à la Chambre des Députés, le parti libéral s’est divisé lors du vote portant sur le Traité de cession de l’EIC à la Belgique : 21 députés se sont opposés à la cession ; 8 l’ont approuvée et 8 autres se sont abstenus.


Quatre ministres des colonies et un gouverneur- général sont issus du parti libéral : Louis Franck (1918-1924) fut un des théoriciens les plus féconds de la doctrine coloniale belge ;Edouard Pescher (1926) ; Robert Gooding (1945-1947) il introduit l’enseignement laïc pour les enfants belges qu’Auguste Buisseret (1954-1958) étendit aux élèves congolais. Très lié aux milieux d’affaires, Maurice Lippens fut gouverneur-général (1921-1923).

 

Faillite d’une restauration néo coloniale…

Éclatée au moment où Joseph Kabila patauge dans un cloaque de fourberies émaillées d’intrigues les plus abjectes d’achat des consciences, des manipulations des opinions publiques nationales et étrangères à travers des médias serviles, la nauséabonde ” affaire Kubla ” consacre l’échec de la politique initiée et mise en œuvre depuis 1999 par Louis Michel. Il s’est attelé à recycler dans un contexte géopolitique post-guerre froide, le paradigme du Pacte néocolonial mis au point – gravé en Tables de Loi du Royaume – par la cotutelle belgo- américaine à l’initiative de Paul Spaak. Celui-ci a été en 1961 le principal artisan du rebond diplomatique belge au Congo après le « tsunami » que fut la calamiteuse décolonisation du Congo suite à la myopie belge.


Marquée du sceau de l’esbroufe, l’escapade en juin 2006, au Congo de deux personnalités libérales – Didier Reynders et Armand De Decker – réactualise le paradigme et en consolide le dogme essentiel : le leadership politique congolais n’est légitime que s’il a reçu l’onction belgo-américaine. Lors de cette visite, les deux ministres couvrent Joseph Kabila de somptueux cadeaux. Quant à Louis Michel, il enjoint les Congolais de voter favorablement pour Kabila. En 2008, un autre libéral, Karel De Gucht, – pourtant critique vis-à-vis de Kabila – se prévaut d’un prétendu droit moral qu’aurait la Belgique à l’égard du Congo.


Fort du ferme soutien des Libéraux, Joseph Kabila refuse catégoriquement le débat contradictoire avec Jean-Pierre Bemba, certainement pour éviter d’être confondu avec des questions portant sur des enjeux majeurs. Assuré de l’emporter dès le premier tour, il est révulsé par la lucidité citoyenne des Congolais qui imposent un 2e tour. Désarçonnées, les chancelleries occidentales dépêchent leurs ambassadeurs auprès de Jean-Pierre Bemba. C’est alors que le 28 août 2006, l’aviation militaire de Kabila bombarde la résidence de Bemba. Quoique « proclamé » vainqueur, Joseph Kabila fait déclencher une sanglante opération militaire contre Bemba, les 21, 22 et 23 mars 2007.


Grisé par les louanges de certains organes de presse ; ivre de gloriole des accolades de hautes personnalités belges et françaises lors de son investiture le 06 décembre 2006 ; Kabila assoit et consolide un présidentialisme fondé sur une déréliction sécuritaire qui étouffe toute initiative politique populaire, pourchasse et assassine les défenseurs des droits de l’homme (Fl. Chebeya) et matraque ceux des journalistes faisant preuve d’indépendance d’esprit. La violence sociale reste le lot quotidien de l’immense majorité de la population.


La forfaiture que constituent la révision constitutionnelle de janvier 2011 et celle – avortée – pour contourner le prescrit constitutionnel limitant à deux le nombre de mandat présidentiel, ainsi que le hold-up électoral de novembre 2011, n’est pas un simple incident de parcours. Elle illustre piteusement les multiples contradictions qui ont émaillé l’intrusion et l’ascension de Joseph Kabila dans le champ politique. L’armée rwandaise l’a propulsé dans le champ politique et la famille libérale belge a renforcé sa position dans l’appareil militaire et sur l’échiquier politique. En dépit de cette caution politique et de cet appui diplomatique, les résultats des élections de novembre 2011 restent contestés et contestables. Qu’à cela ne tienne, Reynders et Alexandre De Croo iront bien en pèlerinage au Congo.


En outre, cette élection n’a point assaini l’espace politique en termes d’éthique politique ; n’a pas non plus amélioré la qualité dans la conduite des affaires de l’État et de la transparence dans la gestion des ressources économiques. Force est de constater qu’en dépit d’une production minière exceptionnelle, le Congo n’arrive pas à transformer ses ressources minières en potentiel minier ni ses revenus pétroliers en pactole.


Par ailleurs, sur injonction des parrains, notamment des Libéraux, Kabila a récupéré des (néo)mobutistes africains, américains, belges, congolais et israéliens … qui lui apprennent comment utiliser efficacement les recettes qui ont permis à Mobutu de s’incruster au pouvoir pendant des décennies : délirant culte de personnalité ; propagande abrutissante à travers une presse nationale et étrangère vassalisée ; inféodation de toutes les institutions (administratives, politiques et judiciaires) à la personne du « Raïs » ; accès illimité aux ressources économiques du Congo pour les groupes économiques liés aux pouvoirs qui le soutiennent ; politique délibérée d’asservissement des intelligences universitaires ; une armée dont le corps des officiers est constitué sur des critères ethniques et qui est transformée en garde prétorienne et en outil de répression dressé contre les civils ; gestion privative des ressources financières du pays pour s’attacher une clientèle…

 

Quand le mur d’argent emprisonne et pervertit le politique…
« Le travail en Afrique, l’or à Bruxelles »… Albert, Prince héritier 1909.

Le 25 novembre 1878, entouré d’hommes d’affaires et des banquiers, notamment Brugman, Bischoffshein et Goffin, le Roi Léopold II reçoit au Palais royal, le journaliste Henri-Morton Stanley. De cette rencontre naquit le CEHC, comité d’études du Haut-Congo dont le capital fut fixé à un million de francs. Le CEHC s’assigna comme but « l’étude des possibilités de relier le Haut et le Bas Congo par une voie de communication et d’amorcer un mouvement commercial suffisamment important pour assurer la rentabilité d’une société de transport ». Avant même la création de l’État Indépendant du Congo, l’accent est mis sur la rentabilité financière… En 1906, le juriste Félicien Cattier observe que « l’État du Congo n’est point un État colonisateur, que c’est à peine un État : c’est une entreprise financière. Procurer au Roi souverain (Léopold II) un maximum des ressources, tel a été le ressort de l’activité gouvernementale » (Étude sur la situation de l’État Indépendant du Congo, p. 341). Dans un ouvrage qu’il publie en 1933 (Le Mur d’argent) l’ancien ministre social chrétien de la défense et des colonies, Paul Crokaert fustige l’emprise qu’exercent selon lui, les milieux financiers sur la politique belge, particulièrement au Congo.


La veille de l’indépendance ; constitué de ses participations dans 79 sociétés, le Portefeuille de l’État colonial était évalué à 35 milliards de FB (valeur boursière). Par application du principe de la dévolution entre État que défendait la Belgique, ce Portefeuille devenait propriété du nouvel État congolais indépendant. Il n’en fut rien. Un tour de passe-passe juridico-financière priva le Congo du contrôle de grandes entreprises où il disposait d’une représentation majoritaire. Cette manœuvre ouvrit entre les deux États un lourd contentieux.


En revanche, la Belgique légua au Congo une lourde dette contractée auprès de la Banque mondiale pour financer le Plan Décennal. Par ailleurs, une convention conclue le 24 juin 1960 entre le Congo belge (en réalité la Belgique) et le CSK (comité spécial du Katanga) dissout ce dernier. Il est stupéfiant de constater que le ministre chargé des affaires financières du Congo, Raymond Scheyven signa la convention, au nom de la colonie, et apposa son contreseing ministériel sous le décret royal sanctionnant la dissolution. « L’argent. Pendant quelques jours, le Roi et le gouvernement vont se faire commerçants et rien que commerçants ». C’est en ces termes que le 30 octobre 1969, l’hebdomadaire Pourquoi Pas ? stigmatise le pompeux voyage du Président Mobutu en Belgique.


Il importe donc que les Congolais se gardent des imprécations vociférées sur le registre de l’émotionnel et de l’irrationnel qui, immanquablement, apportent une caution politique aux byzantines querelles belgo-belges, faites de conflits d’intérêts économiques, de rivalités entre personnalités au sein d’un même parti, de sordides marchandages pour fructifier des rentes de situation. Une analyse critique faite sur la longue durée nous apprend que ces querelles ont souvent rabougri les intelligences belges et congolaises désireuses de faire prévaloir la clairvoyance, la lucidité et le respect de l’autre dans les rapports belgo- congolais.


Ainsi le 29 août 1959, le Premier Ministre, Gaston Eyskens, assène un violent coup de Jarnac à son ministre des colonies, monsieur Van Hemelryck : sans l’en informer, il envoie au Congo, son directeur adjoint de cabinet, le Compte d’Aspremont. Le 2 septembre, le ministre démissionne et il est remplacé par Auguste de Schryver, issu comme lui du parti social chrétien. Après la Table Ronde dont il affirme avoir été un adversaire, Monsieur Paul Spaak – socialiste francophone – critique sévèrement les positions qu’y adopta son collègue socialiste francophone, le professeur Henry Rolin. Les rivalités opposant au sein du CVP, Wilfried Martens – Premier ministre – et Léo Tindemans – ministre des affaires étrangères – ont énormément gêné ce dernier dans sa tâche, en 1988-1989. Le 21 janvier 1923, le Gouverneur- général, Maurice Lippens (libéral), démissionne pour s’insurger contre les immixtions dans la gestion du Congo- belge, du Ministre des Colonies, le libéral Louis Franck. Durant la seconde guerre mondiale, les heurts furent nombreux entre le Ministre des colonies, De Vleeschauwer et le Gouverneur- général, Ryckmans.


Ce survol historique suggère fortement que l’histoire coloniale- dépouillée des mythologies- des partis politiques, des syndicats, des institutions religieuses, scolaires, financières, des groupes économiques, de l’armée…reste à écrire. Pendant des décennies, dogmes et mythologies sécrétés par les pouvoirs – colonial et postcoloniaux – ont obscurci l’intelligence du politique et en ont falsifié l’histoire. Il appartient aux intelligences belges et congolaises – libres de tout préjugé (néo) colonial – d’élaborer des outils conceptuels pour approfondir les questionnements épistémologiques liés à l’écriture et à l’enseignement de l’histoire coloniale afin que nos peuples se défassent de ces mythologies pour se projeter intelligemment vers l’avenir.

 

4 janvier 2016,Paris: drapeaux congolais pour les martyrs, interpellation aussi à des politiques belges (Photo Magazine Ngambo Na Ngambo)

4 janvier 2016,Paris: drapeaux congolais pour les martyrs, interpellation aussi à des politiques belges (Photo Magazine Ngambo Na Ngambo)

Construire une alternance pour une réelle alternative…

Les chancelleries occidentales éprouvent d’énormes difficultés pour dissimuler leur profond embarras car elles se rendent compte que les Congolais, particulièrement les jeunes générations vivant en Europe et en Amérique du nord, ont compris et l’expriment parfois avec véhémence que la confiscation de l’expression électorale participe d’une stratégie bien rodée pour sans cesse recycler l’odieux Pacte néocolonial noué en 1960-1961 et qui reposait sur l’assassinat du Premier Ministre Lumumba. Depuis la Conférence nationale souveraine, la conscience politique aigüe des Congolais a mis en évidence l’échec des stratégies occidentales et depuis 2006, elle a complètement désarçonné les faiseurs de rois et leurs séides au Congo. Cet échec illustre aussi piteusement ce que d’aucuns qualifient « d’épuisement total du système colonial » et qu’appelle donc une réinvention du politique pour hâter l’avènement d’une ère nouvelle.

Anicet MOBE
Membre du Collectif des intellectuels congolais ” DEFIS “

Journal français L’Express(site). L’article d’Anicet Mobet, publié le 28/07/2015 à 19:00.
[1]Expression en langue internationale Lingala.

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